KINSHASA, 2024 – L’évolution fulgurante de l’écosystème médiatique a bouleversé la structure même de nos sociétés. Ce qui n’était hier qu’un outil de communication est devenu l’infrastructure principale de notre rapport au monde. Pourtant, face à cette marée montante du tout-numérique, un constat alarmant s’impose : nous avons donné les outils à la population sans lui fournir le mode d’emploi.
Lors de la session stratégique des « Jeudis Numériques » organisée à l’Institut Français de Kinshasa, les experts Henock Kitapindu et Barro Kakolo ont tiré la sonnette d’alarme. L’éducation aux médias et à l’information (EMI) ne doit plus être considérée comme une option périphérique, mais comme une compétence de survie indispensable au XXIe siècle.
"Nous avons réussi à connecter le monde, mais nous avons oublié d'y enseigner le "savoir-vivre". Aujourd'hui, intégrer l'éducation aux médias au programme national n'est plus une simple réforme pédagogique, c'est un impératif de sécurité publique."
LE DIAGNOSTIC : UNE POPULATION SOUS EXPOSITION PERMANENTE
L’avènement du numérique a placé chaque citoyen, et plus inquiétant encore, chaque enfant, au centre d’un flux ininterrompu d’informations.
Cette hyper-connexion expose les usagers à des risques systémiques majeurs :
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La vulnérabilité de la jeunesse : Sans filtre critique, les enfants sont exposés de plein fouet à des contenus violents, haineux ou inadaptés. L’écran, qui devrait être une fenêtre sur le savoir, devient trop souvent un miroir déformant la réalité.
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La déshumanisation des rapports sociaux : Comme souligné lors de la conférence, le numérique est un « couteau à double tranchant ». Utilisé sans conscience, il tranche le lien social. L’anonymat favorise une violence verbale inouïe et un manque d’empathie flagrant, transformant les réseaux sociaux en arènes de conflit plutôt qu’en espaces de dialogue.
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La manipulation de l’opinion : La désinformation virale menace la capacité des citoyens à prendre des décisions éclairées, fragilisant ainsi le tissu démocratique.
L'IMPÉRATIF STRATÉGIQUE : VERS UNE INTÉGRATION AU PROGRAMME NATIONAL
Face à la gravité de ces enjeux, la réponse ne peut être qu’institutionnelle et éducative. Il est impératif que l’État et les acteurs de la société civile considèrent l’intégration de l’éducation aux médias dans les programmes scolaires nationaux comme une priorité absolue.
Il ne s’agit pas seulement d’apprendre le codage ou la bureautique. Il s’agit de former les esprits à :
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Décrypter l’information : Comprendre comment une information est produite, diffusée et financée.
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Naviguer en sécurité : Protéger ses données personnelles et son identité numérique.
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Cultiver l’éthique numérique : Comprendre que derrière chaque profil se trouve un être humain, et que la responsabilité légale et morale s’applique aussi bien en ligne que hors ligne.
LA RÉPONSE : FORMER POUR UNE CITOYENNETÉ RESPONSABLE
L’initiative portée en 2024 à la Halle de la Gombe a démontré qu’une autre voie est possible. En formant les participants à devenir des « utilisateurs avertis », nous posons les bases d’une citoyenneté numérique responsable.
La solution réside dans la transformation de l’utilisateur : passer du statut de « consommateur passif » de contenus, vulnérable aux algorithmes, à celui de « citoyen numérique actif ». Il s’agit d’utiliser les médias à bon escient : pour apprendre, pour entreprendre, pour créer du lien et pour innover.
Le numérique est inévitable, mais la sauvagerie numérique ne l’est pas. Si nous voulons protéger nos enfants et garantir la cohésion de nos sociétés, l’éducation aux médias doit devenir le socle de notre système éducatif. C’est à ce prix seulement que nous transformerons ce « couteau » numérique en un outil de construction massive pour l’avenir de la République Démocratique du Congo.
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